Manarah Nindralyr

Ci-joint, l'intégralité du dossier concernant le cas de possession de Manarah Nindralyr, à des fins d'archivage.

Chers confrères,

J'ai été récemment contacté par le biais d'une chouette portant ce message.

:

Comme vous vous en doutez, les propos et non-dits de l'anonyme qui m'a adressé cette lettre peuvent paraitre alarmants quant à ma nature véritable. J'ai donc traqué l'animal qui l'a porté jusqu'à sa source, au cœur d'Heidel, et me suis trouvé face à une modeste masure en bordure de cité, non loin de l'Eglise. (Au 1-2, pour être exact.)

Par audace sans doute, plus que par prudence je le confesse, j'ai surveillé l'endroit, mais ne m'en suis point contenté. En frappant, j'ai été accueilli par une certaine Manarah Nindralyr. Si les bases de notre conversation initiale ont été quelque peu diplomatiquement incorrectes et à la limite de la déclaration de guerre, nous sommes parvenus par nous entendre sur quelques intérêts communs. Je ne sais rien de cette femme, je n'ai pas encore eu l'occasion de plonger le regard véritablement dans le sien, mais je puis vous transmettre les conclusions tirées de cette entrevue particulière.

-Manarah Nindralyr est une elfe, vedir probablement, bien que la mention de ses origine paraisse entrainer chez elle une réaction épidermique relativement hostile, ou amer.

-Son domicile situé à dix pas de l'Eglise - selon l'adage qui indique que garder ses ennemis proche de soi est une tactique viable - est plein à craquer de matériaux, alambics et ouvrages liés à la pratique de l'Alchimie. Et nous parlons bien de l'Alchimie que nous connaissons de Marni, celle qui a donné naissance à une créature telle que moi. Celle qui pousse les hommes à commettre d'odieux actes, et à créer d’innommables monstres.

- Mademoiselle Nindralyr parait maîtriser également l'usage des sceaux de protection dont sa maison est recouverte du sol au plafond. Et pour cause, sitôt le seuil franchit ma qualité de chimère m'a cloué sur le paillasson. Elle ignore toutefois lesquels de la centaine de parchemins qui la protègent ont été activés, pour l'heure, ma nature n'est pas compromise.

- Elle m'a contacté pour requérir mon aide, par extension, la votre, et celle de notre organisation bien qu'elle n'ait pas mentionné le Cercle dont elle ne connait vraisemblablement pas l'existence. Je ne l'ai pas évoqué moi-même.
Mademoiselle Nindralyr m'a expliqué avec ses mots craindre ses propres actions et ses propres pensées, souvent orientées par les murmures méphitiques de la pierre noire qu'elle manipule au quotidien dans le cadre de ses expérimentations alchimiques. Elle n'a pas été très précise sur la nature de ses pratiques mais a mentionné la transmutation. Elle soupçonne la folie de l'attendre au coin du tournant, et les effluves occultes de la pierre noire de lui faire emprunter une route dont elle ne pourrait pas revenir.

- A l'heure actuelle, et compte tenu du peu d'informations dont je dispose à son sujet, je n'ai pas l'intention de lui dévoiler la moindre information compromettante et assurerai la sécurité stricte et absolue du Cercle.
Nous nous sommes toutefois accordés tacitement sur le fait que l'un comme l'autre, n'avions rien à gagner à nous exposer aux hommes de foi, vu la nature blasphématoire de notre conversation. Il est donc fortement improbable que Manarah soit un danger pour moi, et par extension, pour nous tous. ( Si elle parle, elle se condamne elle-même. )

Vous vous doutez bien qu'en connaissance de mon passé, et des circonstances de ma création, je n'ai pas pu me résoudre à tourner le dos à cette alchimiste. Elle se trouve à un carrefour décisif de la pratique occulte et il est encore temps pour elle de choisir la voie de l’Équilibre à celle du Pouvoir Absolu et de la quête de la Non-Mort qui a fait s'égarer bien des esprits brillants avant elle.
Si jadis, mon Créateur avait été en mesure, comme elle, d'appeler à l'aide, alors que les voix lui sussuraient de donner naissance à l'être infâme que je suis, j'aurais donné ce que j'ai de plus précieux pour qu'on lui réponde, et qu'on encadre son génie indiscutable pour le canaliser de la bonne façon.

J'ai la ferme intention d'apporter, à titre personnel, toute mon aide et mes ressources à Mademoiselle Manarah afin d'éviter de voir, dans le futur, d'autres âmes esseulées comme la mienne errer entre ici et le monde des morts.
Je vous invite à me faire part de votre intention si vous entendez répondre à son cri de détresse à mes côtés. Je sais que certains d'entre-vous ont de l'expérience à apporter dans ce domaine, et possèdent un sens des relations humaines plus aigu que le mien. - et fortement recommandé.

Toujours vôtre,

Dr. Voussavezqui.

Rapport d'examen de la pierre noire à l'origine du cas de possession de Manarah Nindralyr.


"Difficile d'appréhender au sens propre comme littéral un tel joyau profané. L'effleurer semble, même pour les plus prémunis d'entre tous, une tâche des plus délicate. Même recouvert d'un tissu, l'émanation néfaste qui s'en dégage n'apporte que tourments et troubles psychologiques. Des voies meurtries s'accaparent de l'esprit de quiconque s'y essayera, sous forme d'échos perdues dans la condensation impressionnante de cette pierre, emprisonnées à tout jamais. Les deux hommes pourront s'y essayer à défaut d'avoir déjà tenté. Il n'en résultera, par un simple touché, qu'un sentiment d'angoisse et d'anxiété évidente corrompant leurs sagacités. La pierre est d'une taille imposante, en résulte peut être là, la raison de tant de maux. Polie à la perfection, sa structure extérieure ne laisse place à aucune aspérité ou stigmate apparente. Son contenu, malgré le danger de cet onyx impie, pourrait forcer l'admiration. Des fragments pourpres s'entremêlent dans des filaments violacés en se fragmentant contre les parois lisses de la pierre pour s'y recombiner en de multitudes d'autres segments azurés. Le tout est enveloppé dans un éther limpide et ténébreux, qui, par intermittence, s'accapare de la totalité du joyau, le rendant totalement noir. La matière noire probablement. Sur ces parois, des dépôts cristallins et denses semblent figés, mais chaque filaments léchant ce semblant de sédiment, décolle celui-ci en les emmenant dans leurs danses imprécises. Même pour un néophyte en la matière, une telle vision provoque le besoin irrépressible de s'amouracher, ne serais-ce qu'un instant à l'objet. Pour peu que les deux hommes le remarquent, la puissance émise par la pierre est diamétralement différente, lorsque celle-ci est voilée et teintée exclusivement de son manteau d'ébène, plongeant son contenu dans des ténèbres insondables, cette matière noire, qui enfle et se rétracte, comme un cœur palpitant."

"Une présence souche semble s'en dégager, peut être là, une direction importante à prendre en compte pour y desceller le mystère entourant la pierre. Si l'un d'eux tentent d'effleurer celle-ci à ce moment précis, les maux apportés n'en seront que décuplés. Mais cela pourrait en valoir le coup. Le touché laissera audible dans l'esprit accablé de cette personne un glapissement dissonant, perçant, nouant triples et cœurs peu habituées à un tel son. Dans l'esprit du supplicié, pour peu qu'il ne se détache pas de la pierre, il pourra y voir une forme brumeuse gargantuesque, hirsute. Cette présence semble d'une hostilité sans égale. On pourrait y discerner péniblement des ailes dépliées, composées d'un semblant de patagium éthérique. Rien d'un oiseau.. Une gueule béante semble être la cause d'un tel son, et la personne affiliée à subir cette vision horrible pourrait presque y sentir des relents putrides d'haleine s'assimilant à une odeur de décomposition avancée. La forme brumeuse paraît être dotée d'une force sans égale de part sa stature. A défaut de pouvoir y entrevoir davantage la personne remarquera également que la mâchoire de cette forme est parsemée de crocs disproportionnés longs comme un membre humain, au moins, et sa gencive boursouflée en semble munie d'une bonne centaine au vu de la masse brumeuse et condensée formant les contours de ces armes primitives."

"Le Docteur Wander pourrait être plus apte que l'occultiste à établir un lien, de part son sang coulant dans ses veines, lui octroyant une meilleure compréhension de Manarah. La créature luciférienne s'apparente à une chose qu'il pourrait parfaitement connaître. Lui comme Ikhlas d'ailleurs. Mais l'empathe, si des échos du passé relatant des Ahibs lui reviennent, pourra se rappeler d'une chose. Cette bête fielleuse est un Khalk des ténèbres, pour sur. Les récits relatant d'Ahibs corrompant la chair et l'âme de majestueux griffons, emblème de Kamasylve, et de ces chauves souris gargantuesques pour les assujettir en tant que vulgaire armes de guerres ne sont pas des propos exagérés. Tortures, mutilations, infusions de matières noires et bien d'autres supplices dans un but : Briser la volonté. Tout était permis pour faire céder ces deux espèces, forces invétérées de la nature. Le Khalk n'en reste pas moins une créature relativement violente, même à l'état sauvage, bien qu'on pourrait justifier ceci par un instinct territorial légitime. Mais l'âme contenue dans ce joyau occulte dégage un fiel bien trop néfaste pour qu'il s'agisse là d'un Khalk ordinaire. Son âme pourrait avoir une bonne raison d'en vouloir particulièrement à Manarah, Ahib, bien qu'elle a affirmé aux deux hommes que son passé était désormais derrière elle. Le spectre n'en sait probablement rien et n'a aucune raison de s'arrêter à çà, surtout si la matière noire lui aurait susurré des mots à l'encontre de l'elfe. L'aliénation de celui-ci est d'autant plus instable, car son âme déconstruit baigne dans la pierre depuis bien trop longtemps amplifiant l'aversion qui se dégage de celle-ci. D'autres ectoplasmes contenues dans l'onyx occulte semblent émettre une complainte poussive amenant à un profond mal-être pour celui qui pourrait l'écouter. Impossible d'identifier leurs structures, leurs présences se dissipent, puis se reconstruisent à chaque fois que le Khalk et la matière noire l'enveloppant prennent le monopole du joyau. Cela pourrait être la raison de l'état de l'alchimiste, ayant ressentie durant tout ce temps l'attirance pour ce joyau, en y éprouvant malgré tout au plus profond d'elle, un réel danger, d'où l'aide demandée. La matière noire pouvait probablement impacter l'elfe à vouloir s'imprégner de la pierre, sans que celle y entrevoit la raison réelle de l'hostilité qui s'en dégage."

Représentation de l'entité:

Notes personnelles du Docteur Wander :


De toute évidence, l'entité retenue dans cette pierre, un Khalk des ténèbres, parait mué par une volonté décuplée d'obtenir vengeance des différentes maltraitances qui lui ont été infligées par les clans Ahib au Sud de Kamasylve ainsi qu'à la frontière Drieghani. Elle identifie supposément notre patiente à l'archétype responsable de tout ses maux.
Compte tenu de ces observations, il parait raisonnable d'affirmer que la créature sera difficile à déloger.

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Intervention préliminaire du Cercle prévue ce Mercredi 25 Hibou 290, sur un canal éthéré des marécages de Glish : Rituel de Sang

Détails : Dans la mesure où nous n'avons pas encore réussi à entrer en contact directement avec l'entité Khalk précitée, ni d'établir avec précision le point d'impact de la corruption, ou son épicentre, Maître Ikhlas et moi-même avons décidé de mettre en place un rituel de sang au cours duquel Mademoiselle Lhayx - qui s'est portée volontaire, et connait les risques - explorera les entrailles viciées de l'alchimiste en quête de réponses.
Le choix d'envoyer l'apprentie est stratégique dans la mesure où, par ma nature chimérique, il serait dangereusement aisé pour l'entité de s'accrocher à moi, et, par la nature de sa magie, le Thotarque risque de se trouver rapidement dépassé par les flux occultes voire carrément éjecté par l'entité au premier contact. Mademoiselle Lhayx en revanche, en plus de posséder une affinité avec la matière occulte, partage déjà son enveloppe charnelle avec 'K, qui représente un moyen de défense particulièrement vigoureux sur l'esprit de la jeune apprentie.
Nous entendons bien entendu la suivre en tout temps durant ce voyage, et tirer derrière-nous un fil d’Ariane afin de pouvoir émerger en cas d'urgence dans les plus brefs délais.

- Rapport de l'intervention à suivre.

Rapport d'intervention : Rituel de Sang

Sujet : Manarah Nindralyr
Lieu : Marécages de Glish
Date : Le 25 Hibou 290.
Contexte : Cas de possession par une entité Khalk.


Retranscription du voyage spirituel par le Dr. Wander :

"De prime abord, les entrailles du sujet paraissent comme asséchées, elles semblent avoir été obstruées par un mal qui tarde à se manifester à nous. Les flux sont rompus, le noir est complet, l'endroit est semblable à un désert sans début ni fin. Je ne ressens pas la présence de l'entité ici. Nous décidons d'avancer.

Percevons plus loin un flux éthéré de nature inconnue. Il luit à l'horizon sans limites comme un phare. Rapidement, d'autres lueurs répondent aux pulsations régulières du phare, et se manifestent en cercle d'abord large autour de nous. Nous sommes encerclés.

Les lueurs pulsantes se rapprochent et finissent par se rejoindre pour former un cercle parfait et ininterrompu d'éther violacé autour de nous. La présence de Manarah est faible ici, je la ressens sous nos pieds, amoindrie, et lointaine. Ikhlas déploie un dôme de protection autour de nous. Les lueurs ne paraissent pas hostiles. Nous demeurons sur place.

Le sol se dérobe en cercle sous nos pieds. Nous chutons un temps indistinct. Des images douloureuses et des souvenirs liés aux pratiques blasphématoires de l'alchimie nous sont exposées comme un ruban défilant à toute allure.

Nous nous arrêtons subitement dans un cri puissant. Le sol parait humide, goudronneux. Nous pataugeons dans une fange viciée.
Face à nous, la silhouette pâle et faiblarde d'une femme nue dépourvue de visage parait étreinte par deux ailes chiroptères et un épais tourbillon d'énergies occultes.

Le Khalk prend la parole spontanément. Il parait impossible de le raisonner.

"Le sang vicié qui coule dans les veines de cette femme a meurtri tant des miens".
"Pourquoi devrais-je faire preuve d'abnégation quand j'ai enfin la force de remédier à toute cette haine m'animant ?"

Le Khalk refuse de renoncer à son dessein, nos arguments sont pertinents mais la raison l'a quitté. Il nous menace, et passe à l'action. D'une serre, entaille la poitrine de Manarah et laisse s'y insinuer les énergies corrompues qui gravitent autour d'elle. Il souhaite la submerger pour de bon, le temps est compté.

Il se jette dans notre direction. Nous nous défendons avec vigueur. Le dôme de Maître Ikhlas nous protège un temps précieux.
Le thotarque, Lhayx, et moi-même, avançons comme un seul homme jusqu'à Manarah. Ikhlas prend en charge la purification du sujet. Lhayx tente de supplanter la volonté du Khalk qui nous attaque en usant de sa magie parasite. Je me prépare à attaquer à mon tour.

Lhayx parvient à restreindre la bête, elle lutte férocement contre sa volonté. Je profite de l'ouverture pour attaquer. Ikhlas parvient à refouler les miasmes occultes hors du corps de Manarah.

Nous affrontons le Khalk amoindri. Il cède sous nos assauts répétés.

Nous remontons à la surface avec sa dépouille pour procéder à l'extraction définitive.

Réveil."

Notes annexes :

Personne n'a été blessé durant l'opération. Maître Ikhlas, comme attendu, est à bout de forces. Manarah a rejeté des substances fielleuses ainsi qu'une pierre sombre lorsqu'elle a repris connaissance. Il est à prévoir que le rituel est un succès. Nous décidons de passer la nuit dans la grotte pour reprendre des forces.

Je rajoute des observations sur la pierre qui a été recrachée.

Elle est pas mal fissurée, c'est comme si on l'avait entaillée et éclatée en frappant dessus et au travers. Peut-être que les frappes de magie d'Ikhlas et les morsures du Docteur lors de la confrontation avec l'entité y sont pour quelque chose ?

On dirait qu'il y a une masse d'énergie sombre à l'intérieur, qui reste figée même si on l'agite. Elle forme un espèce de noyau, lui même transpercé par un autre trait qui n'a pas l'air d'être une fissure. Une marque de plus du coup porté à la bête ?
Bien sûr, il reste des traces d'énergie qui rappellent celle du "Khalk des ténèbres". C'est mauvais et irradie un peu autour, mais ne semble pas provoquer quoique ce soit. Ou rien qui ne ressemble à l'analyse du Docteur sur les pierres noires de la page juste avant.

Je n'ai pas cherché à l'altérer, ça risquerait fausser des observations futures ou libérer un résidu.
Dans l'état, ça reste comme ça.

Rien d'autre à signaler, sinon. Ou pas à mon niveau !


J'irai voir comment se porte madame Nindralyr au bout de quelques jours. Ça vous fera des vacances, et curieuse de voir ces sceaux et protections mentionnées un peu avant !
Si je note quelque chose de plus en rapport avec le dossier à signaler, je le rajouterais.

Conclusion :

L'alchimiste Manarah Nindralyr a été définitivement libérée de l'influence du Khalk des ténèbres. Elle demeure toutefois sous l'étroite surveillance du Réseau, en tant que praticienne d'arts interdits.

Pour la résolution de son cas, le Cercle a demandé le payement immédiat de 3 pierres noires, incluant celle dans laquelle se trouvait l'entité, et qui sera entreposée à la crypte.

Manarah Nindralyr est également en dette d'un service auprès du Cercle. Et ce, sans limite dans le temps.

Nb : Nous possédons également, de la part de l'alchimiste - qui les a cédé volontairement en preuve de sa "bonne foi", des documents compromettants qui pourraient, si elle devait se trouver dans notre collimateur, la conduire directement au bûcher.
Ces documents seront entreposés sous scellé dans la Cache des Cents.

Les documents en question:

W.